Bénévolat : Agir localement, impacter globalement

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Le bénévolat est un pilier essentiel de notre société, incarnant l’altruisme et l’engagement envers le bien-être collectif. Dans le cadre de la Semaine de l’action bénévole, nous nous sommes entretenus avec Monsieur Gilles Dion, résident au Savignon, qui a accepté de nous partager son expérience caritative auprès de L’Œuvre Soupe Maison à Lachine.

Monsieur Dion, qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans le bénévolat ?

Honnêtement, c’est Adèle, mon épouse. Lorsqu’on a emménagé à la résidence Le Savignon, il y a 9 ans, Adèle a exprimé le souhait de s’impliquer auprès de notre communauté. Elle a été infirmière pendant 42 ans, alors le don de soi, elle connaît bien !

De mon côté, je n’étais pas sûr que c’était vraiment fait pour moi, et puis un jour, lors d’une promenade à bicyclette, on est passés devant L’Œuvre Soupe Maison. Adèle est rentrée et je l’ai suivie. Depuis, on n’est jamais repartis ! 9 ans au Savignon, 9 ans à la Soupe Maison !

En quoi consiste la mission de la Soupe Maison ?

L’Œuvre Soupe Maison existe depuis 1985. Situé au 1170 rue Notre-Dame, à Lachine, cet organisme vient en aide aux plus démunis en leur offrant des repas, des vêtements et autres articles ménagers directement sur place. Il compte actuellement 47 bénévoles dévoués à la cuisine, au service et au soutien à la personne. Aucun salaire ni aucune redevance ne nous est reversé… tout se fait avec le cœur.

Notre clientèle est en croissance constante. En plus de rajeunir, celle-ci est de plus en plus diversifiée. Cette évolution est influencée par la précarité économique, en partie due à la crise de l’emploi à Lachine, l’augmentation des prix des loyers, ainsi que l’arrivée massive de réfugiés. On compte aujourd’hui près de 302 bénéficiaires inscrits dont beaucoup de familles avec enfants. Ils vivent soit en chambre, soit en HLM. Certains sont même en situation d’itinérance chronique.

On distribue en moyenne 3 repas par semaine aux personnes défavorisées, en plus des sacs d’épicerie que nous leur préparons une fois par mois. On a également une section vestiaire qui connaît un grand succès. On propose beaucoup de vêtements déclassés que des compagnies nous donnent, mais qui restent de bonne qualité.
On reçoit aussi des petits électroménagers de la part de certains partenaires. Ces derniers contribuent tant financièrement que matériellement. Quand ce sont des dons en argent, on achète des articles utiles comme des grille-pains, des fours à micro-ondes, des batteurs électriques, etc. Rien n’est revendu, tout est gratuit !

Chaque semaine, environ 135 bénéficiaires se présentent à la Soupe Maison, mais cela peut varier selon la période de l’année ou du mois. Quand ils ont des besoins spécifiques, on veille à les diriger vers les organismes adéquats. Notre mission est de les assister et les encourager de mieux possible à revenir sur le marché du travail pour leur permettre d’être plus autonomes. On a déjà pu constater une légère amélioration des conditions de vie chez certains bénéficiaires et on espère que ça va continuer.

Qu’est-ce que le bénévolat vous apporte, personnellement ?

Ça remet les choses en perspective. Je trouve que parfois, certaines personnes sont tournées vers elles-mêmes. Quand on devient bénévole, c’est comme si on ouvrait les yeux sur une autre réalité du monde. Notre regard change quand on se rend compte de la misère des gens et à quel point, on est chanceux d’avoir un toit au-dessus de la tête et de pouvoir manger à notre faim. On a beau le savoir, le lire dans l’actualité, c’est en étant sur le terrain qu’on le réalise vraiment.

Le bénévolat m’a appris à garder l’esprit ouvert. Quand on rencontre des personnes défavorisées pour la première fois, on ne connaît pas leur histoire, d’où elles viennent, ce qui leur est arrivé. On sait seulement qu’elles luttent pour joindre les deux bouts. En tant que bénévole, on apprend à ne pas juger les gens au prime abord : on les accueille et on prend soin d’eux du mieux qu’on peut. On les prend tels qu’ils sont, avec respect et empathie.

Quel type de tâches ou de responsabilités assumez-vous en tant que bénévole ?

Je fais partie du Conseil d’administration de la Soupe Maison et je suis chef de service de l’entretien du bâtiment. On est ouverts de septembre à juin et on s’arrête pour l’été. Mon rôle est donc d’inspecter la bâtisse pendant cette pause et de lister toutes les réparations qu’il y a à faire pour pouvoir recevoir les bénévoles en toute sécurité à la rentrée.

Ma femme, quant à elle, s’occupe de toute la partie vestiaire. Elle trie, range et distribue les vêtements et autres articles ménagers. Elle décore également la vitrine qui donne sur la rue en fonction des saisons. En plus d’apporter de la couleur et de la gaîté, ça nous permet d’avoir une plus grande visibilité, car les gens s’arrêtent pour admirer la devanture… surtout les familles. Ça les pousse à venir voir ce qu’on y fait et on en discute volontiers ! On travaille à la Soupe Maison tous les jeudis et le reste de la semaine, on range, on nettoie le local et on organise la semaine suivante.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre activité de bénévolat ?

Oh, c’est simple : j’aime que les gens qui viennent repartent plus apaisés qu’en arrivant. Ça veut dire qu’on a réussi à leur apporter ce dont ils avaient besoin. Que ce soit par le don d’un repas, de vêtements ou même par une discussion, je peux vous dire que ça fait toute la différence. Même pour nous, c’est agréable de partager un moment de réconfort avec eux. Le sourire des gens, c’est notre salaire finalement.

Comment percevez-vous l’impact de votre bénévolat sur la communauté ?

Ce n’est pas tant mon action bénévole, mais plutôt celle de la Soupe Maison en général. Quand on voit que la prestation d’aide sociale pour une personne seule est de 800 $/mois et 1200 $/mois pour un couple, on se demande comment peut-on avancer avec aussi peu ?

Ce n’est pas une vie et c’est pour cette raison que la Soupe Maison existe. On vient en aide à ces personnes, on prend le temps de les connaître, de bâtir une relation de confiance avec elles et surtout de les traiter comme des êtres humains. Notre but est de leur permettre d’aller un peu mieux, mais surtout de leur donner une base pour qu’elles puissent repartir du bon pied et se réinsérer dans la société.

Est-ce que d’autres résidents du Savignon s’impliquent avec vous à la Soupe Maison ?

On accepte les nouveaux bénévoles avec plaisir… qu’ils soient du Savignon ou d’ailleurs. En général, les gens qui veulent s’engager viennent selon leurs horaires et donnent un coup de main quand ils peuvent. S’ils n’ont pas le temps, mais qu’ils veulent tout de même s’impliquer, on les encourage à faire des dons.
Au Savignon, on a un très grand bac vert dans lequel on récolte les affaires dont les gens ne se servent plus. On invite les résidents à donner au lieu de jeter. On récupère tout, on trie et on garde environ 85 % de vêtements et de vaisselle !

Avez-vous des conseils pour ceux qui envisagent de commencer à faire du bénévolat, mais qui ne savent pas par où commencer ?

La première chose, c’est que du bénévolat, on en trouve partout. Il suffit de chercher et de demander. Et il n’y a qu’une façon de savoir si ça vous plaît, c’est d’essayer. Il y a tellement de façons différentes de donner de sa personne que vous trouverez certainement chaussure à votre pied. Regardez-moi : je n’étais pas certain de vouloir en faire, car je ne savais ce que je pouvais apporter à la société. Le contact humain m’a touché en plein cœur. Je vous encourage à vous impliquer dans votre communauté, car la société a tellement besoin de générosité et de solidarité.

À la Soupe Maison, on est presque tous retraités, mais c’est un plaisir d’accueillir ou de recommander des personnes plus jeunes, car tout le monde a quelque chose à apporter, même l’espace de quelques heures. Un des membres du CA — qui est ingénieur — donne de son temps en venant faire du ménage les fins de semaine, par exemple. Le bonheur réside dans les petites choses… y compris le bénévolat.

Quels sont les prochains projets pour la Soupe Maison ?

Comme la Soupe Maison se développe beaucoup depuis quelque temps, on voudrait acquérir un nouveau bâtiment.
Le CA donc pour objectif d’amasser 2,5 millions de dollars pour être capable de nourrir 120 personnes… bien au chaud à l’intérieur. Ça fait depuis la pandémie qu’on est à l’extérieur alors on voudrait pouvoir accueillir les gens dans un bâtiment plus grand à l’abri des intempéries et offrir davantage de services dans un seul et même endroit.

On a d’ailleurs rencontré le Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys pour organiser des cours visant à aider les gens à acquérir de nouvelles compétences telles que la lecture, l’écriture ou l’obtention du diplôme d’études secondaires. On envisage également d’ouvrir une épicerie et un laboratoire de cuisine pour leur apprendre à cuisiner. Cela pourrait les préparer à des emplois dans la restauration. En plus de tout ça, on a même un dentiste qui est déjà intéressé à fournir des soins dentaires de base gratuitement sur place !
On est présentement en train de finaliser le plan de notre campagne de financement et on se donne 3 ans pour réussir. C’est un défi audacieux, mais qu’on compte bien relever !

Merci à vous, Monsieur Dion pour ce précieux témoignage. Votre engagement est une véritable source d’inspiration pour chacun d’entre nous. C’est grâce à des personnes comme vous que le bénévolat a encore de beaux jours devant lui. Nous souhaitons de tout cœur que votre projet avec la Soupe Maison aboutisse et que vous continuiez à impacter positivement la communauté.