Vieillir, c’est inspirer
|Blogue du Président
La Journée internationale des aînés représente pour moi un moment pour célébrer les personnes plus âgées, mais aussi pour plaider pour un monde où leurs besoins sont entendus, de façon authentique et sincère. C’est pourquoi je profite de l’occasion cette année pour laisser la parole à Luc Maurice, afin qu’il nous parle de l’extraordinaire projet Mission Unitaînés. En effet, cette initiative, qui consiste à construire 1000 logements sociaux pour aînés en situation de précarité dans 10 complexes différents, répartis dans 10 municipalités à travers le Québec, témoigne non seulement d’une extrême générosité, mais d’une vision soutenue pour une société où il fait bon vieillir. Notre équipe l’a rencontré afin qu’il nous livre les tenants et aboutissants de ce projet qu’il porte à bout de bras — avec une formidable escouade de spécialistes et de bénévoles — depuis quelques mois, mais dans le cœur depuis plusieurs années. Et puis, n’y a-t-il pas de plus noble façon d’honorer, de respecter et de valoriser les aînés que de leur permettre de se loger dignement ? Je vous souhaite d’être touchés et inspirés par la grandeur d’âme de cet homme de parole autant que je le suis.
Alain Champagne
Monsieur Maurice, d’où vous est venue cette idée de construction de logements sociaux pour aînés ?
Ce n’est pas moi qui ai eu l’idée, ce sont les aînés ! Dès les premières résidences du Groupe Maurice, je me faisais interpeller par des personnes déçues de ne pas avoir les moyens d’habiter un de nos complexes. Cela m’a toujours dérangé. Je réfléchis donc depuis plusieurs années à un modèle d’affaires qui permettrait de construire des logements sociaux pour qu’encore plus de personnes puissent avoir accès à des appartements de qualité.
Pourquoi ne pas avoir concrétisé ce projet plus tôt ?
Pour plusieurs raisons. Premièrement, j’ai toujours eu à cœur d’offrir de meilleures options de logements aux aînés de la province que ce qui existait à l’époque où j’ai fondé Le Groupe Maurice. Je ne pouvais pas me permettre d’entamer un autre projet ; tout mon temps, mon cœur et mon énergie étaient dédiés au Groupe Maurice. Par ailleurs, il y a 15-20 ans, je n’avais pas les mêmes ressources financières. Je n’aurais donc pas pu m’engager comme je l’ai fait dernièrement avec Mission Unitaînés.
L’autre aspect à considérer avant de lancer un projet du genre, c’est le « timing ». Depuis la crise immobilière de 2008-2009, le mandat de la SCHL (Société canadienne de l’habitation et du logement) s’est transformé et est devenu moins sociétal qu’économique. Les logements plus abordables ont disparus des discours politiques. Depuis tout ce temps, il ne s’est alors presque pas bâti de logements sociaux au pays parce que les provinces n’en avaient plus les moyens.
Et nous sommes arrivés aujourd’hui à vivre une pénurie de logements de toutes sortes. Il y avait une urgence d’agir !
En effet. Le manque de logements de toutes sortes est devenu criant, mais c’est davantage le cas avec les logements sociaux. Le coût de la vie augmente et tout le monde en paie le prix, surtout les gens moins fortunés. Les gouvernements ont fait le constat qu’il était urgent d’agir. La ministre actuelle du logement, Mme Duranceau, a été très proactive : il fallait trouver une solution, et rapidement. C’est alors que j’ai levé la main.
Dommage qu’il faille chaque fois se rendre à une crise sociétale pour faire bouger les choses. Ça occasionne tellement de détresse !
C’est donc dans ce contexte que votre premier projet de logements sociaux voit le jour ?
Pas tout à fait. Mission Unitaînés est techniquement ma deuxième initiative de logements sociaux puisque nous en avons inclus 58 à la résidence ORA qui a ouvert ses portes en 2019. Pouvez-vous croire qu’il nous a fallu 3 ans avant d’avoir le financement, une fois l’approbation gouvernementale octroyée ? Ça n’a aucun bon sens ! Personne ne peut soutenir des délais aussi longs et c’est une des raisons pour lesquelles trop peu d’organisations se lancent dans la construction de logements sociaux.
Qu’est-ce qui a aidé à la concrétisation de Mission Unitaînés alors ?
Mme Duranceau a reconnu que les délais de financement ministériel étaient irréalistes. Grâce à sa collaboration, je suis parvenu à ce que les gouvernements fédéraux et provinciaux se parlent et donnent leur aval EN MÊME TEMPS. Ç’a été tout un défi. Ils ont accepté de débloquer une enveloppe budgétaire importante pour 3 raisons : parce que la construction des appartements serait peu coûteuse, parce que j’avancerais des fonds personnels et parce que j’assumerais tout dépassement de coûts. J’étais conscient qu’il s’agissait d’un risque, mais je sentais qu’avec l’équipe en place, on relèverait le défi.
Ensuite, j’ai approché 20 municipalités du Québec de plus de 40 000 personnes, mais dont le revenu médian des aînés était bas. J’avais deux exigences avant de conclure un accord avec elles : que les loyers mensuels moyens des logements ne dépassent pas 600 $ et que la construction du projet démarre 6 mois après la première rencontre. Les villes qui souhaitaient vraiment aider leurs citoyens moins bien nantis ont démontré une grande agilité et ont fait preuve d’une collaboration exemplaire pour nous trouver des terrains rapidement. J’en profite pour saluer leur audace et leur flexibilité.
Les 10 ententes sont aujourd’hui signées et il y a 9 projets en construction. On voit enfin le rêve devenir réalité ! Notre engagement est de terminer l’ensemble des immeubles au printemps 2026. Déjà à l’automne 2025, plus de la moitié devrait être terminée.
Ce sont d’excellentes nouvelles ! Qu’est-ce qui assurera le succès de ce projet selon vous ?
Premièrement, le désir profond de chacune des parties prenantes d’aider sa collectivité ; je parle ici d’un véritable engagement sociétal. Ensuite, la simplicité et la rapidité d’exécution, le tout, en étant entourés d’experts — dont plusieurs s’impliquent bénévolement —, qui possèdent des valeurs humaines, à mes yeux, hors normes. En toute humilité, mis à part le projet de logements sociaux à ORA, je ne connaissais pas le milieu des organisations à but non lucratif (OBNL). Il y a 2 ans, avant d’annoncer l’idée de Mission Unitaînés, j’ai dû faire mes devoirs pour bien comprendre la mécanique de ce domaine. J’ai donc fait appel à Julie Favreau, une avocate spécialiste en logements sociaux à travers le pays. Ensuite, Caroline Sauriol, ancienne PDG des Petits Frères pendant 14 ans, s’est jointe au projet en tant que présidente de Mission Unitaînés. Elle mène l’ensemble de la préparation, du développement, de la construction et du financement de ces grands projets d’une main de maître.
Croyez-vous que le projet donnera l’idée à d’autres d’emboîter le pas ?
Je l’espère. Bien qu’il s’agisse d’une idée innovante, Mission Unitaînés prouvera bientôt qu’elle est viable. Cela dit, elle doit continuer d’être basée sur l’engagement social et sur l’imputabilité des acteurs impliqués. Dans les prochaines années, je souhaite que des entités telles que Desjardins, la FTQ ou la CSN, qui possèdent des fonds fiscalisés, qui bénéficient de retours d’impôts importants et qui ont une solide connaissance du développement immobilier, se lancent corps et âme dans ce genre de modèle d’affaires. Le futur est là : un parc immobilier aux loyers à bas marché, créé 2 fois plus vite et presque 2 fois moins cher.
Il y a donc de l’espoir, mais la volonté politique et sociétale devra continuer d’être au rendez-vous. Plus important encore : cette volonté devra persister à long terme et non pas de façon ponctuelle. C’est là où j’espère que Mission Unitaînés fera œuvre utile en influençant positivement l’opinion publique sur la faisabilité et la pérennité de ce genre d’initiative.
De quoi êtes-vous le plus fier dans tout ça ?
Ce n’est pas une question de fierté… c’est juste du gros bon sens pour moi. Parce que ce projet ne fait pas qu’offrir des logements sociaux : il libère également des places d’habitation pour d’autres.
Je veux simplement faire ma part. Et puis, en toute confidence, j’ai encore de l’énergie et une bonne santé… j’ai du fun ! Je ne suis pas un gars philosophique, mais pragmatique ; je valorise davantage l’action à la critique ou à la réflexion. Mais je veux tranquillement passer le flambeau à d’autres intervenants ; je le répète, il y a un avenir dans la combinaison fiscalisation-immobilier.
Est-ce que Mission Unitaînés aura une deuxième phase ?
C’est un peu trop tôt pour le dire, mais chose certaine, s’il y a une volonté politique, je serai extrêmement heureux d’entamer une 2e phase pour continuer d’aider, au meilleur de mes capacités, les aînés de notre société qui en ont vraiment besoin.
Qu’est-ce qui motive toute cette philanthropie en vous ?
Le mieux-vieillir des aînés. De TOUS les aînés. La continuité de cette mission que je me suis octroyée il y a plus de 25 ans. L’une des choses dont je suis le plus fier, c’est la cohérence dans mes intentions, dans mes valeurs, inhérentes à chaque grand projet que j’ai entamé.
Je suis extrêmement reconnaissant pour tout ce que j’ai reçu dans la vie. Oui, on crée son propre bonheur, mais on ne choisit pas de naître dans une famille aimante ou dans un pays pacifiste et respectueux. Redonner, c’est la moindre des choses pour moi et comme pour bien des gens qui m’entourent.
Je suis reconnaissant, aussi, pour tout ce que Le Groupe Maurice a acquis en connaissances, en sensibilité et en crédibilité avec les années. Ça me prenait tout ce bagage pour initier un projet tel que Mission Unitaînés aujourd’hui. La cohérence prend tout son sens ici : Le Groupe Maurice, Mission Unitaînés, les logements sociaux d’ORA… ça part des mêmes valeurs, de la même intention. J’ai l’impression de boucler la boucle. Le sentiment est grisant.
Monsieur Maurice, merci pour ce désir sincère et profond de soutenir les personnes plus âgées. C’est notre futur à tous que vous aidez. Que ce projet de cœur en touche plus d’un, assez pour qu’il en incite d’autres à se lancer. Longue vie à toutes les Missions Unitaînés de ce monde !