Études universitaires sur les aînés – portrait inédit du vieillissement
Et si nous écoutions vraiment ce que les personnes plus âgées ont à dire sur leur bonheur et leur façon de vieillir ? Trop souvent, les recherches les concernant s’attardent sur les aspects médicaux ou physiques, ignorant les dimensions sociales et psychologiques qui jouent pourtant un rôle essentiel dans leur qualité de vie. Pour aller au-delà de ces angles limités, la Fondation Luc Maurice a donc choisi de soutenir deux grandes études universitaires sur le sujet, l’une québécoise, l’autre canadienne. Leur particularité ? Elles reposent sur la parole des aînés eux-mêmes, afin de mieux comprendre la richesse et la diversité de leurs expériences… loin des idées reçues.
Des études universitaires pour faire avancer la société
Ce soutien à la recherche n’est d’ailleurs pas anodin puisqu’il fait partie intégrante de la mission de la Fondation Luc Maurice, c’est-à-dire appuyer des organisations et des causes qui contribuent au mieux-être des personnes plus âgées du Québec.
En donnant une voix aux personnes plus âgées, ces études ont pour but d’apporter des pistes de réflexions et des recommandations qui pourraient influencer la manière dont la société répond à leurs besoins. Un engagement que résume parfaitement Valérie Paquette, directrice générale de la Fondation :
« À la Fondation, nous trouvions qu’il manquait cruellement de données sur les réalités sociales et psychologiques du vieillissement. Ces études, que nous avons financées en partie, posent une question bien simple, pourtant rarement considérée : qu’est-ce qui rend les personnes plus âgées véritablement heureuses ? Quels sont les facteurs liés à leur épanouissement ? Les résultats obtenus, qui bousculent les idées reçues, outilleront, nous l’espérons, les décideurs, comme les gouvernements, les organismes communautaires ou les entreprises, à mieux répondre aux réels besoins et aspirations des aînés. »
Étude no 1 – Comment le milieu de vie influence-t-il le bonheur des aînés ?
Qu’est-ce qui rend les personnes plus âgées heureuses jour après jour ? Est-ce leur lieu de résidence, la qualité de leurs relations sociales ou, encore, leur sentiment d’épanouissement ?
Pour connaître la réponse, la professeure Mélanie Levasseur, erg., Ph. D., de l’Université de Sherbrooke, a mené une vaste étude universitaire en collaboration avec plusieurs chercheurs spécialisés dans le vieillissement. Près de 1 000 Québécois autonomes (hommes et femmes) âgés de 75 ans et plus ont été interrogés pour comprendre ce qui joue un rôle majeur dans leur façon de vieillir et leur bonheur.
Les résultats obtenus sont clairs. Dans l’ensemble, les personnes affichent un niveau de bonheur comparable, qu’elles vivent en milieu rural ou urbain, dans un domicile conventionnel ou une résidence privée. Cela dit, ce qui nourrit leur bonheur diffère selon leur milieu de vie.
Ainsi, pour les personnes plus âgées vivant en résidence, les occasions de socialiser sont un élément essentiel à leur bonheur. Pour ce qui est de celles qui habitent dans un domicile conventionnel, elles accordent davantage d’importance à leur intégration dans la communauté et à l’absence de discrimination. Ces différences rappellent que les initiatives en faveur du mieux-vieillir doivent être adaptées en fonction du contexte et du milieu de vie de chaque individu.
« Alors que le niveau de bonheur est similaire pour les hommes et les femmes, il est principalement influencé par l’épanouissement chez les personnes plus âgées. On définit ici ce sentiment par la perception d’être entendu et soutenu dans la réalisation de ses activités. » – Pre Mélanie Levasseur, Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke
Cette recherche, qui aura une deuxième phase d’entrevues qualitatives, permettra de mieux saisir les nuances derrière ces constats et de proposer des recommandations pour créer des environnements de vie toujours plus favorables au bien-être des aînés.
Découvrez les résultats (en anglais) de l’étude de la professeure Mélanie Levasseur en cliquant ici.
Étude no 2 – Repenser le vieillissement par et pour les aînés
Comment les personnes plus âgées perçoivent-elles leur propre vieillissement, leur rôle dans la société et les grands enjeux de notre époque ? Pour savoir comment elles vivent personnellement cette étape de leur vie, une équipe pancanadienne dirigée par la professeure Martine Lagacé de l’Université d’Ottawa, en collaboration avec l’Université de Sherbrooke, l’Université Concordia, l’Université de Moncton et Statistique Canada, a lancé une série d’études d’envergure nationale sur une période de trois ans.
Ici, les indicateurs de santé habituels ne sont pas au centre des préoccupations. Ce sont plutôt les aspirations et les perceptions des personnes plus âgées sur différents sujets et enjeux (ex. : liens sociaux, satisfaction de vie, perception d’âgisme et de fin de vie, âge subjectif, etc.). L’étude explore aussi des thèmes souvent négligés, mais essentiels : les relations amoureuses, les changements climatiques et les liens intergénérationnels.
Les premiers résultats sont révélateurs. En moyenne, les personnes plus âgées disent se sentir près de 15 ans plus jeunes que leur âge réel et marquent le début de la vieillesse à l’âge chronologique de 72 ans (En 1950, la vieillesse était fixée à 60 ans !). Pour autant, les aînés qui ressentent être la cible de préjugés âgistes ou qui les intériorisent, en subissent les retombées négatives avec une réseau social fragilisé et une satisfaction de vie amoindrie.
« Ces données récoltées auprès de plus de 3000 aînés au Canada viennent une fois de plus démontrer les effets pernicieux de l’âgisme et appellent à poursuivre la lutte à cette forme de stigmatisation. », précise la Pre Martine Lagacé, de l’Université d’Ottawa.
En donnant la parole aux aînés sur ce qu’ils vivent, ressentent et souhaitent, cette étude permettra, à terme, de poser un regard neuf sur le vieillissement et de mieux préparer l’avenir.
Savoir pour mieux décider
Chose certaine, les résultats de ces études universitaires nous rappellent que, pour bâtir une société où il fait bon vieillir, il faut s’appuyer sur des données crédibles plutôt que sur des stéréotypes. Ils soulignent aussi l’importance de donner la parole aux personnes plus âgées afin de mieux comprendre ce qui nourrit leur épanouissement et leur bien-être, essentiels à une santé envisagée dans sa globalité. La Fondation Luc Maurice croit, d’ailleurs, qu’il faut davantage de recherches sur ce sujet afin de mieux accompagner les décideurs actuels et futurs.
« Nous devons considérer les personnes plus âgées comme des adultes aux parcours de vieillissement uniques, diversifiés, évolutifs, et surtout, encore actuels. Loin des croyances répandues, les “65 ans et plus” forment une mosaïque de profils et d’expériences, bien loin d’un groupe homogène. C’est pourquoi il faut faire ce type d’études périodiquement », affirme Valérie Paquette, directrice générale de la Fondation Luc Maurice.
Il est, effectivement, crucial de mieux comprendre les besoins, les aspirations ou les préoccupations des personnes plus âgées pour combattre l’âgisme et créer une société meilleure. D’après la Fondation, les données obtenues dans le cadre de ces deux études universitaires pourraient pousser les décideurs à réfléchir à des solutions et à créer des projets. Selon elle, les possibilités sont nombreuses :
- Créer des formations sur l’âgisme pour les élèves du primaire et du secondaire, les personnes aînées elles-mêmes ou les intervenants travaillant auprès d’elles ;
- Multiplier les occasions de participation sociale selon les besoins, les intérêts et les capacités des personnes plus âgées ;
- Mettre en place des politiques et des pratiques pour mieux soutenir leur épanouissement, sans se limiter aux prestations de soins et de services en santé.
Suite à ses recherches, la Fondation Luc Maurice se permet d’espérer et mettra tout en œuvre pour faire grandir ces réflexions afin qu’elles ouvrent la voie à des actions porteuses de changement.
Nous vous invitons à lire l’article paru dans La Presse sur ces études universitaires.